13. juin, 2022
Quand le Bleu EDF vire à l'Orange de France Telecom
L’Histoire se répète et ne cesse de se répéter encore et toujours, et puis…Rien ! Force est de constater que nos gouvernements et nos directions n’en tirent aucun enseignement. Pas surprenant, les amnésiques de l’histoire et les incultes semblent être toujours plus nombreux et les autres se gardent de faire référence au passé. Dans mon jeune temps, on m’avait pourtant appris que l’histoire était source d'enseignements ?
L'agitation toujours plus démesurée de notre société fait que de nos jours, il peut paraitre idiot de penser que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.
Pourtant, les grands groupes (ORANGE, EDF, AIRBUS, SNCF, CIC.... -mais pas seulement-) se battent tous, inlassablement, pour recruter les premiers de la classe des mêmes business-schools, des grandes et des moins grandes, voire des minables qui fleurissent à tous les coins de rues de toutes nos métropoles. -Soit dit en passant, un business juteux que ces écoles engrangent sur le dos des entreprises, mais surtout sur celui des étudiants qu’ils précarisent, contre quelques heures d’enseignement délivrées par des « chercheurs en entrepreneuriat » ou autres vacataires de tout au plus 6 mois d’expérience dans le monde du travail. Ces No S.., les Y N.…, les IN... n’hésitent pas à dépouiller leurs étudiants de 8000 à 13000 € par an - et ce, pendant 3 à 5 ans- pour quelques heures de cours par semaine, le plus en plus souvent en « distanciel », ou dans des locaux plus ou moins acceptables. Si tant est que l’on puisse appeler cela des cours. Toutes dispensent les mêmes messages avec plus ou moins de détours ; un formatage en bonne et due forme à la main des directions des groupes qui pratiquent tous la même novlangue managériale. Il est à noter que les dirigeants de ces dernières se proposent bien volontiers d’y faire des interventions grassement payées. Mais ce n’est pas notre sujet.
Cette novlangue, vide de sens, étudiée en première langue dans ces écoles, n’a pas d’autre ambition qu’apprendre à « optimiser le fonctionnement des organisations pour leur permettre d’atteindre les objectifs qui sont fixés ». Il en résulte que toutes les organisations par « projet », par « objectifs », par « indicateurs de performances » à grands coups de NTIC*, conduisent aux mêmes instructions qui se résument en un seul message : « faire plus avec moins » ; autrement dit « produire » toujours plus, avec moins de tout : plus de quantités, quelque en soit la qualité, moins d’effectifs, moins de masse salariale, moins de matière, moins d’énergie, moins d’investissement, moins de sureté, plus de télétravail, plus de précarité, plus de communication, plus d’actionnaires, plus d’organisation pour noyer le poisson, etc., ...Bref, plus de fake !
Ce casse-tête chinois qui peut vite rendre fou un esprit sain est le même dans tous ces groupes, dans toutes ces entreprises, dans tout ce système. Conformément à l’enseignement dispensé dans l’école de Reinhard Höhn (SS de la première heure), il faut déléguer cette « tache » à des managers -plus ou moins incultes et/ou lobotomisés en école et/ou par BFM TV, que l’on choisit le plus souvent ignares pour être suffisamment manipulables ou suffisamment pervers – à grands coups d’ « l’Innovation » en tout genre.
Dans les faits, cette innovation du « management des hommes et des organisations » mise en œuvre par des chefaillons, ne peut que déboucher sur des « tricheries » (chères à Christophe DEJOURS) ou des manipulations tant les objectifs sont inatteignables dans des conditions dignes.
Cette délégation des taches « par objectif », sans méthodologie associée, aboutie toujours, dans une logique implacable, soit la délégation des objectifs à des salariés « innovants » - c’est à eux de trouver comment-, soit à la mutation du manager car « il n’a pas atteint ses objectifs », bref, « il n’a pas fait le job ».
Pourtant, il n’a aucune excuse, puisqu'en formation de management, on lui aura répété inlassablement - citation que l’on attribue à Einstein, qui était loin d’être le dernier des cons- : « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent !" ... Et pourtant ?!
Or, innover -notamment sous pression- n’est pas donné à tout le monde. En conséquence, on finira tôt ou tard par vous reprocher de n’avoir pas été à la hauteur.
On pourrait penser que les dirigeants de nos grands groupes ont été lobotomisés par BFM TV ou Mac Kinsley pour ne pas en avoir conscience. Détrompez-vous, ils en ont pleinement conscience, appliquant eux-mêmes cette même politique d’entreprise…, mais leur mercato revient plus fréquemment…, « après moi le déluge » !
Ce fonctionnement est devenu notre quotidien dans les centrales nucléaires de notre beau pays qu’est la France.
Il y a déjà quelques années, j’avais rédigé un article intitulé « l’organisation criminelle de ma fin », compte tenu du harcèlement que je subissais en tant que lanceuse d’alerte à EDF, statut juridiquement reconnu. Aujourd’hui ma situation ne cesse d’empirer et il en résulte que cet article est chaque jour un peu plus d’actualité.
Or, force est de constater qu’aujourd’hui, je ne suis plus un cas isolé. Nous sommes de plus en plus de cadres de la production nucléaire à sortir du bois et à conter des histoires similaires. Nos histoires ne sont que le reflet de la maltraitance institutionnelle de la société EDF-SA vis-à-vis des travailleurs consciencieux, fiers de réaliser un travail de qualité pour servir le public et le service au public auquel je suis particulièrement attachée.
Victor, Hugo, sont de ceux-là. Mais aujourd’hui le parquet de Marseille s’en mêle... Enfin !
Je ne peux donc que me rendre à l’évidence ; ce que je pouvais ressentir comme des attaques personnelles il y a encore quelques années, s’avère n’être qu’un système mafieux organisé sciemment par des arrivistes de la première heure. Je ne suis donc qu’une victime parmi tant d’autres, comme l’ont été les suicidés de France-Télécom, mis à part que j’ai la chance de m’être ratée ! N'en déplaise à EDF...
Sophie Dejoué, le 11 juin 2022
*Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication