14. nov., 2021
La vérité sur L'ARRÊT de TAISHAN 1 du 30 juillet 2021 (1/2)
Je ne peux que réagir et m'indigner à lire des articles de presse rassurants et les commentaires d’agents stagiaires d'EDF de l’EPR de Flamanville qui semblent déjà bien conditionnés et bien endoctrinés sans certainement jamais avoir vu un réacteur fonctionné ! -et qu’ils ne verront peut-être jamais fonctionné- ; en effet, ces agents – dont j’espère qu’ils n’ont pas encore suivi les formations à la sûreté, à l’INSAG 4, INSAG 13,... - parle « d’aléa d’exploitation » ou de "petit à-coup" concernant l’arrêt de l’unité 1 de Taïshan à la suite de niveaux de radioactivité du circuit primaire plus qu’alarmants qui ont conduit les experts d’EDF à avouer que les seuils atteints auraient conduits à l’arrêt du réacteur en France dans les 48 heures, puisque « à Taïshan, le seuil de 150 GBq/t de gaz rares radioactifs dans le circuit primaire de la centrale a été dépassé, affirme l’ASN ». Voilà la belle affaire ! ... Ceci veut tout dire et ne rien dire, car cette donnée est inexploitable seule ! Cela est loin d’être gratuit et anodin et témoigne encore une fois de toute la transparence de l’ASN qui se garde bien de mettre en avant qu’il s’agisse là de la rupture de la première barrière biologique !
Mais, une rupture de la première barrière BIOLOGIQUE n’est jamais anodine, ni sur le plan de l’exploitation, ni sur le plan de la maintenance et encore moins sur le plan de la radioprotection et de l'environnement.
Quant aux services centraux d’EDF, co-exploitant à 30% de l’EPR de Taïshan, ils doivent immanquablement avoir des données factuelles plus précises en temps réel telles que les courbes d’activités permettant l’analyse des résultats (rapports de Xénons, des iodes, Équivalent I 131, activité de l’iode 134 -caractéristique d’une dissémination- rapport des Césiums, présence d’Alpha, etc.…). Données qu’EDF s’empresse de taire, révélateur là encore d’un niveau de transparence à peu près similaire à celui de CGN et de l’ASN, financée elle-même à 46% par EDF.
Après 32 ans d'EDF dans le nucléaire, conceptrice de la formation des chimistes de centrale dans l'évaluation de l'état du gainage combustible, la caractérisation des pertes d’étanchéités du combustible et une des rares spécialistes de la mise en œuvre du ressuage combustible sur le parc, je suis navrée d'avoir à corriger ce stagiaire ingénieur d'EDF, car ce ne sont pas de "petits à-coups", ... pour que les Chinois arrêtent l’unité, ce sont bien des millions de millions de Bq de radio-isotopes et plus que probablement des particules alpha -vu les niveaux d'activités atteints, 290 GBq/t en S des gaz au 30 mai 2021- présents dans le circuit primaire et qui seront en grande partie rejetés à l’atmosphère et dans les effluents de la centrale de Taïshan... Une paille !!
De plus, sachant que leurs spécifications radiochimiques sont bien plus laxistes -remontées à 324 GBq/t en somme des gaz rares - que dans l’hexagone -150 GBq/t en somme des gaz rares ou 20 Gbq/t en Eq I 131 dans le CCP pour un arrêt sous 48 h-, que l'exploitant de la centrale, TNPJVC, a demandé et obtenu une dérogation de la part de l'autorité de sûreté chinoise, la NNSA, pour poursuivre l'exploitation, je crains qu’il y ait de quoi s’inquiéter.
Car toujours est-il que ces niveaux d’activités en tout genre (gazeux, liquides, voire solides) vont indéniablement impacter des Hommes et des Femmes, la santé des travailleurs qui vont effectuer entre autres le déchargement du réacteur, la manutention du combustible et la maintenance de circuits hautement contaminés après un transitoire d'arrêt d'une grande complexité et pour lequel il est important de noter que les équipes ne sont ni préparées, ni entrainées compte tenu de la jeunesse de l'installation et de l’extrême rareté des compétences dans ce domaine, à EDF comme certainement encore plus chez CGN.
Pour mémoire, en 2000, lors du 8ᵉ cycle du réacteur 3 de Cattenom nous avons atteint au moins de 150 GBq/t rien qu’en Xe 133 avec 92 crayons ruptés par fretting (phénomène d’usure vibratoire puis au percement de gaines), et en 2002, lors du 11e cycle du réacteur 2 de Nogent sur Seine, nous avons atteint 60 GBq/t de Xe 133 avec 39 crayons ruptés par fretting. Ici on nous parle de 5 défauts avec une somme de gaz rares que l’on peut supputer bien supérieure à 300 GBq/t en somme des gaz à ce jour. En tant que chimiste et compte-tenu de mes 32 années d'expérience, tout cela me laisse perplexe.
De plus, le REX français -CAT 308 et NOG 211- estime à environ 2000 MBq/t en Xe 133 et 3000 MBq/t en somme des gaz par défaut de fretting... Il semblerait donc qu’il ne s’agisse pas de fretting puisque l’on arriverait à plus d’une centaine de crayons ruptés ! Là encore, sur 60000 crayons, c’est vrai, cela ne fait que 0,17% -sachant que la limite chinoise est à 0,25% -pour des questions de gestion d'effluents-, là encore, une paille !!
Bref, si on exclut le fretting, il n’en reste pas moins que le nombre des défauts de gainage ne pourra faire l’objet d’une première estimation que lors du ressuage qualitatif des 241 éléments combustibles et la nature, voire l’origine des défauts de gainage que lors de ressuages quantitatifs des éléments combustibles précédemment détectés au « ressuage au mât » comme non-étanches (ruptés) ou douteux. Le tout, complété par des inspections télévisuelles et bien d’autres examens en tout genre. C’est-à-dire qu’une première estimation du nombre de pertes d’étanchéité ne pourra être réalisée qu’après dépouillement des résultats du ressuage qualitatif effectué lors du déchargement du cœur -en en allongeant plus que significativement la durée et la dosimétrie-, si tant est que le niveau de radioactivité ambiant dans le bâtiment réacteur ne perturbe pas les mesures. La nature et l’origine des pertes d'étanchéité ne pourront quant à eux être connus que bien longtemps après ; lors de l’expertise des résultats du ressuage dit « en cocotte », élément par élément, réalisé en cellule BK (Bâtiment Combustible) lorsque les éléments « auront refroidi ». C’est-à-dire pas avant de nombreux mois.
En conséquence, les hypothèses plausibles semblent se réduire : corps migrant - probable-, hydruration (peut-être), fabrication (corrosion prématurée par bas taux de fer, défaut de fabrication, nature de l’alliage (M5) plus que probable, etc...) ou défaut de conception et/ou de dimensionnement du cœur (toujours plus grand, toujours plus complexe, mais peut-être toujours plus fragile)... On ne peut rien exclure.
Sans omettre que nos experts ont déjà du grain à moudre compte tenu des problèmes actuels rencontrés notamment sur le N4 (Chooz B, Civaux) et les alliages M5 du parc français.
Avant d’en avoir le cœur net, cela prendra donc des mois, voire bien plus, le ressuage combustible étant une compétence rare, une affaire de spécialistes et l’exploitation de ses résultats encore bien plus. Cette perte de compétences est une des raisons qui a poussé l’ASN à demander à EDF en 2002, de ne plus recharger les éléments ruptés.
Vous comprendrez que tout ceci explique la réticence des Chinois à vouloir arrêter le réacteur, la disponibilité sur le réseau sera de zéro pendant des mois, le coût abyssal et la gestion des suites infernales, sans même aborder le côté effluents et déchets qui ne sont pas de ma spécialité.
De même qu’il est aisément compréhensible qu’EDF minimise les faits et ne fasse pas de déclaration allant dans le sens de la sureté et/ou de la radioprotection ; Taïshan étant le seul EPR en exploitation de conception française, cela ne fait pas bonne presse pour vendre ses EPR à l’étranger ; EDF risque ainsi de voir ses promesses de ventes à la Pologne et à l’Inde s’envoler définitivement. Là encore, c’est certainement une des raisons pour laquelle, EDF s’empresse à rejeter la responsabilité sur sa filiale Framatome dans une politique du « pas nous, pas nous » !
Toujours est-il que pour en revenir à l’exposition aux radiations, là encore, on diluera la dosimétrie totale sans rien en dire, sur des prestataires, sur des « nomades du nucléaire », voire sur des liquidateurs comme l’ont pratiqué les Ukrainiens et les Japonais ; cela rendra les choses moins visibles et plus acceptables aux yeux du plus grand nombre et aux yeux du monde !
Pendant ce temps le patron exécutif du groupe EDF, Cédric Lewandowski tente de faire diversion et s’enorgueillit que l’Allemagne repense au nucléaire !! Dans un même temps aujourd'hui bien rodé, il tente de vendre 4 à 6 EPR en Pologne, 6 en Inde, bien évidemment en douce, puisque cela fait tache dans le tableau d'un pays comme la France qui veut soi-disant réduire à 50% sa part du nucléaire -pour les raisons électoralistes que l'on connait- et qui n’arrive pas à mettre en service la technologie qu’il essaie désespérément de vendre.
Les propos de ces journalistes ignares sur le sujet pour qui ces « aléas d’exploitation » semblent anecdotiques est à l'image de cette propagande pronucléaire qui devient insupportable tant elle devient démagogique et contre-productive et pourtant... Chinois ou pas il s'agit là d'Humains qui vont être irradiés et qui devront se battre pendant des dizaines d'années pour être, des années après -s'ils ne meurent pas avant- reconnus en maladie professionnelle si tant est que cela existe chez eux... !
Parlez-en à D. Minière, Directeur de la centrale à Cattenom en 2001 pendant le cycle CAT 308, parlez-en aux intervenants la tranche 2 de Nogent et aux intervenants de la tranche 4 du CNPE du Blayais -pour ne citer qu’eux- qui se battent encore pour abaisser la dosimétrie des tranches autant que faire se peut à la suite de pertes d'étanchéité combustible disséminantes ou non et/ou de transitoires d'arrêts désastreux qui remontent à bien des années.... Lire la suite sur La vérité sur L'ARRÊT de TAISHAN 1